Contrats publics
En cas d’exécution aux frais et risques, l’acheteur public est tenu de communiquer à l’entreprise défaillante les pièces justifiant de la prestation, seulement dans le cas où il est saisi d’une telle demande.
CE, 5 avril 2023, n°463554, Rec. T.
Le Conseil d’Etat rappelle la possibilité pour les personnes publiques de conclure un contrat de substitution avec une autre entreprise en cas de défaillance de son cocontractant initial.
Dans son arrêt du 5 avril 2023, il précise que « si l’administration doit dans tous les cas les notifier le marché de substitution au titulaire du marché résilié, elle est tenue de lui communiquer les pièces justifiant de la réalité des prestations effectuées en exécution du nouveau contrat qu’à la condition d’être saisie d’une demande en ce sens ».
Par conséquent, dans le cadre de la conclusion d’un contrat de substitution, l’acheteur public doit communiquer les pièces justifiant de la réalité des prestations effectuées, seulement dans le cas où il est saisi d’une telle demande par l’entreprise défaillante. Dans tous les cas, il est en revanche tenu de notifier le marché de substitution à la société défaillante.
Le défaut d’autorisation de mise sur le marché d’un produit dont la fourniture constitue l’objet même du contrat litigieux entache l’illicéité le contenu de ce contrat et un tel vice est de nature à justifier son annulation.
CE, 5 avril 2023, n° 459834
La commune de Hyères a lancé un appel d’offres pour la fourniture d’un produit larvicide destiné à la lutte contre les moustiques. La commune a retenu l’offre de la société CERA pour le produit « Aquabac XT » et a informé la société Bergon du rejet de son offre. Dans le cadre d’un recours en contestation de la validité du contrat, la société évincée a demandé au tribunal administratif, à titre principal, d’annuler le contrat conclu entre la commune de Hyères et la société CERA, et à titre subsidiaire, de prononcer la résiliation de ce contrat.
Le règlement de la consultation prévoyait que les produits larvicides proposés par les candidats devaient « répondre aux normes de sécurité et normes en vigueur ». De plus, les candidats devaient communiquer les autorisations de mise sur le marché ainsi qu’une fiche permettant de vérifier la conformité du produit avec la réglementation en vigueur.
Le Conseil d’Etat précise que « l’inscription d’une substance active par l’Agence européenne des produits chimiques sur la liste (…) n’a ni pour objet ni pour effet de valoir autorisation de mise sur le marché d’un produit contenant cette substance active » et que « la seule circonstance que la société CERA figurait, à la date de présentation de son offre, sur la liste établie en application de ces dispositions pour la substance activité contenue dans le produit « Aquabac XT », ne pouvait valoir autorisation de mise sur le marché du produit ».
Concernant le contenu illicite du contrat, le Conseil d’Etat rappelle que « le contenu du contrat ne présente un caractère illicite que si l’objet même du contrat, tel qu’il a été formulé par la personne publique contractante pour lancer la procédure de passation du contrat ou tel qu’il résulte des stipulations convenues entre les parties qui doivent être regardées comme le définissant, est, en lui-même, contraire à la loi, de sorte qu’en s’engageant pour un tel objet, le cocontractant de la personne publique la méconnait nécessairement ».
Par conséquent, le Conseil d’Etat juge que « le défaut d’autorisation de mise sur le marché d’un produit dont la fourniture constituait l’objet même du contrat litigieux entachait d’illicéité le contenu de ce contrat et qu’un tel vice était de nature à justifier l’annulation » du contrat litigieux.
L’appréciation par le juge administratif du caractère manifestement excessif des pénalités de retard appliquées à une société membre d’un groupement solidaire au regard de la seule part du marché qui lui est attribuée.
CE, 12 avril 2023, n°461576, Rec. T.
Selon une jurisprudence constante, lorsqu’il est saisi de conclusions tendant à la modération ou à l’augmentation du montant des pénalités résultant d’un contrat de commande publique, le juge peut y faire droit si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard à celui du marché ou aux recettes prévisionnelles de la concession (CE, 29 décembre 2008, OPHLM de Puteaux, n°296930, p. 479 ; 20 octobre 2020, société Vert Marine, n°431903, Rec. T.).
Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat juge que « lorsqu’une convention, à laquelle le maître d’ouvrage est partie, fixe la part qui revient à chaque membre d’un groupement solidaire dans l’exécution d’une prestation, et lorsque le juge est saisi par l’un de ces membres de conclusions tendant à ce que soient modérées les pénalités mises à sa charge en raison des retards dans l’exécution de la part des prestations dont il avait la charge, il appartient au juge, pour apprécier leur caractère manifestement excessif eu égard au montant du marché, de prendre en compte la seule part de ce marché qui lui est attribuée en application de cette convention ».
La convention citée dans l’arrêt du Conseil d’Etat était une annexe à l’acte d’engagement du marché.
Urbanisme et environnement
Irrecevabilité des conclusions présentées en appel contre un permis modificatif délivré pendant la première instance.
CAA Nantes, 18 avril 2023, n° 21NT00871
Dans un arrêt classé C+ en date du 18 avril 2023, la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé irrecevables des conclusions présentées pour la première fois en appel contre un permis de construire modificatif délivré pendant la première instance.
En l’espèce, au cours de l’instance introduite par les requérants à l’encontre du permis de construire initial devant le Tribunal administratif de Rennes, un permis de construire modificatif a été délivré aux défendeurs. Dûment informés par le juge de cette nouvelle circonstance, les requérants ne l’ont pour autant pas contesté avant que le Tribunal ne rende son jugement. Ayant interjeté appel de ce dernier, les requérant ont alors demandé à la Cour d’annuler non seulement le permis initial, mais également le permis modificatif.
Le juge administratif Nantais a cependant considéré qu’en « application des dispositions précitées de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme, la légalité de cet arrêté du 12 septembre 2020 ne pouvait être contestée que dans le cadre de la même instance, devant le tribunal administratif de Rennes ».
Cette décision intervient dans le prolongement d’un arrêt rendu récemment, par lequel la Haute juridiction administrative avait rappelé que la contestation du permis modificatif, si elle intervient dans le cadre d’un recours portant sur le permis initial et est introduite par une des parties audit litige devant la même juridiction, doit être regardée comme un mémoire produit dans l’instance en cours, à condition bien sûr que le juge n’ait pas encore statué sur le fond (CE, 1er février 2023, n° 459243).
Pas d’intérêt à agir pour le voisin immédiat si le projet en litige améliore les conditions de jouissance de son bien.
TA Nice, Ord. 3 avril 2023, n° 2301167
Le juge des référés du Tribunal administratif de Nice, saisi d’un référé-suspension formé à l’encontre d’un permis de démolir, a rappelé que s’il est constant que le voisin immédiat justifie en principe d’un intérêt à agir contre une autorisation d’urbanisme (CE 13 avr. 2016, n° 389798, Lebon), il n’en est pas moins tenu de démontrer que le projet de construction est de nature à affecter directement les conditions de jouissance de son bien, conformément à l’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme.
Or, dans le cas d’espèce, le juge administratif a considéré que le projet en litige, lequel consiste, non en un projet de construction mais en la démolition du Palais Acropolis de Nice afin de prolonger une « coulée verte », allait in fine bénéficier au requérant, puisque l’environnement immédiat de son immeuble « sera donc à terme plus agréable, plus verdoyant » et bénéficiera « d’une vue plus dégagée que celle dont il bénéficiait précédemment ». Partant, le juge des référés a rejeté la requête pour défaut d’intérêt à agir.
De l’importance du SCOT dans l’application de la Loi Littoral.
CE, 21 avril 2023, n° 456788, Commune de Ploemeur
Dans un arrêt en date du 21 avril 2023, le Conseil d’Etat a précisé l’importance du schéma de cohérence territorial dans la mise en œuvre des dispositions de la Loi Littoral. Pour rappel, l’article L. 121-3 du Code de l’urbanisme, placé au frontispice du chapitre consacré à l’aménagement et à la protection du littoral, dispose que « Le schéma de cohérence territoriale précise, en tenant compte des paysages, de l’environnement, des particularités locales et de la capacité d’accueil du territoire, les modalités d’application des dispositions du présent chapitre. Il détermine les critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l’article L. 121-8, et en définit la localisation. »
Dans le cas d’espèce, la Cour administrative d’appel de Nantes avait annulé un permis d’aménager, considérant que son terrain d’assiette, situé au lieu-dit « Kerpape », ne se trouvait pas en continuité d’une agglomération ou d’un village au sens de l’article L. 121-8 du code précité.
Ce faisant, la Cour a écarté les dispositions du SCoT, lesquelles identifiaient expressément « Kerpape » parmi les villages. Or, et comme l’a jugé le Conseil d’Etat, « la Cour devait tenir compte des dispositions de ce schéma ou, si elle entendait les écarter comme n’étant pas suffisamment précises ou comme étant incompatibles avec les dispositions particulières au littoral, devait le justifier de manière explicite. »
Précisions sur l’obligation de notification du recours contentieux prévue à l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme.
CE, 12 avril 2023, n° 456141, Société Cystaim V3
Par un arrêt mentionné aux Tables, le Conseil d’Etat a précisé les contours de l’obligation de notification du recours contentieux prévue par les dispositions de l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme. Pour rappel, ce dernier prévoit qu’en cas « de recours contentieux à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, ou d’une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. »
Dans le cas d’espèce, confronté à la question de savoir si une telle notification s’imposait dans le cadre d’un appel formé par l’administration contre une décision juridictionnelle ayant annulé une décision constatant la caducité d’un permis de construire (« et rétablissant par suite la validité de cette autorisation de construire »), la Haute juridiction administrative a répondu par l’affirmative.
Le Conseil d’Etat avait déjà jugé qu’un recours contre un refus de constat de caducité était soumis à la formalité de la notification (CE, 27 mars 2000, n° 205430, Syndicat des copropriétaires de l’immeuble « Le Lympia » : JurisData n° 2000-060218 ; Lebon T., p. 1139).
Il applique dans l’arrêt du 12 avril 2023 le même raisonnement au recours en appel contre le jugement annulant le constat de la caducité de l’autorisation par le maire.
Les règles de cristallisation des moyens s’appliquent également au contentieux des permis de construire valant autorisation commerciale.
CE, 4 avril 2023, n° 460754, Société Distribution Casino France
Dans un arrêt publié au Recueil, le Conseil d’Etat a jugé qu’il résulte des articles L. 425-4, L. 600-13 et R. 600-5 du Code de l’urbanisme que la cristallisation des moyens prévue par les dispositions de l’article R. 600-5 de ce même code s’applique au recours formé contre un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale.
Cela vaut également lorsque le recours ne tend à l’annulation pour excès de pouvoir du permis délivré qu’en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale, comme c’était le cas en l’espèce.